Heureux les élus (extrait)
210/06/2014 par Thomas Fiera
Voici les premiers instants de ma nouvelle aventure publiée chez numeriklivres, une enquête qui vous fera découvrir les coulisses du marigot politique qui attire plus de caïmans que d’enfants de chœur. Vous pourrez retrouver cette palpitante et décapante aventure ici ou là.
C’est incroyable le nombre de femmes qui arpentent le monde de leurs jolies jambes. Pas loin de trois milliards en arrondissant à la sauvage. Si l’on n’en retient que les vraiment belles, celles qui vous tordent le cœur dès le premier regard, on doit encore avoisiner les trois cent millions. En ne privilégiant, parmi celles-ci, que les plus futées, les esprits acérés, subtils, sensibles et cultivés, on avoisine encore les trente millions. Sur ces trente millions, combien resterait-il de femmes qui soient disposées à partager, ne serait-ce que fugitivement, la vie d’un machin bizarroïde et tourmenté comme moi ? Trois ? Cinq au mieux, si on prend en compte les suicidaires ? Et quelle probabilités pour que ces cinq kamikazes vivent en Europe ? En France ? A paris ? A Belleville ? Dans mon immeuble ?
J’en étais là de mes cogitations à la con quand la sonnette de la porte d’entrée me ramena dans l’ici et maintenant que je persiste à appeler ma vie. Le caractère affligeant de mes perspectives amoureuses m’avait grillé quelques neurones et cela explique peut-être que je n’ai pas immédiatement reconnu Philippe Coudrier quand je le trouvai planté sur mon paillasson. Le fait qu’il ait pris trente kilos de mauvaise graisse, perdu cheveux et moustaches et troqué sa sempiternelle tenue de gaucho professionnel contre un costard cravate de bon aloi dut également contribuer – et pas qu’un peu – à ce que je le confonde avec un de mes clients habituels : cadre dans la débine, DRH aux abois, PDG en plein trip parano…
Je le conduisis jusqu’au petit bureau que j’avais aménagé au beau milieu de mon salon et qui, coincé entre un canapé Chesterfield ayant connu des jours meilleurs en 1923 et une bibliothèque pleine de polars et d’ouvrages consacrés à la Commune, tenait lieu d’agence Fiera.
Posant délicatement sa masse considérable sur le fauteuil visiteur qui me faisait face, il m’offrit un sourire fatigué mais néanmoins chaleureux qui éveilla en moi un vague début de réminiscence. D’un geste du menton, il désigna les rayonnages croulant sous les bouquins fatigués.
– Je vois que tu n’as pas renoncé à tes convictions de jeune homme. Ça fait plaisir…
Le tutoiement me fit tiquer.
– On se connaît ?
Il ricana.
– J’ai changé à ce point-là ? Ne te fatigue pas à me répondre. J’ai des miroirs chez moi. Toi tu as juste vieilli, comme un arbre. Un olivier. Tu t’es endurci, tu t’es érodé, mais tu es le même. Moi j’ai changé. Je ressemble à mon père. Un gros con de bourgeois couperosé…
Il rigola. Un vrai rire cette fois. Plus jeune, plus léger.
- Tu ne me reconnais toujours pas ?
Je déteste ce genre de question débile, comme quand une femme vieillissante vous demande de deviner son âge et je bafouillai un vague n’importe quoi qu’il n’écouta pas.
– Et comme ça tu me reconnais ?
Il se leva, monta lestement sur sa chaise et commença à haranguer une foule imaginaire :
– Camarades travailleurs, la Ligue des Jeunesses Révolutionnaires est avec vous pour vous aider à secouer vos chaînes et quand on aura fini de vous foutre dans la merde, nous retournerons passer nos diplômes pour entrer dans l’usine à Papa !
– Coudrier, m’exclamai-je. Philippe Coudrier !
Il redescendit de sa chaise et faisant le tour du bureau vint me serrer chaleureusement dans ses bras. Coudrier c’était le genre de mec à faire ça. Les étreintes viriles, les accolades de camarades, les bourrades à vous décoller la plèvre c’était son truc.
Pas le mien.
J’aime pas beaucoup qu’on me touche. Sauf si vous êtes une fille futée, avec un décolleté attendrissant, une démarche féline et une nuque tendre et fragile que l’on a envie de mordiller. Si vous ne correspondez pas à cette description inutile d’essayer de m’approcher à moins d’un mètre. Sauf si vous aimez les gnons.
Bref.
(Vous retrouverez la suite de cette palpitante histoire ici ou là et chez tous les bons libraires numériques….)
Pas mal ! J’aime bien. Agréable à lire et appétissant pour la suite.
Une toute petite remarque, néanmoins, dont la prise en compte pourrait vous éviter de perdre la face devant un maniaque de la conjugaison :
Dans la phrase « Le caractère affligeant de mes perspectives amoureuses m’avaient (sic) grillé quelques neurones… », je suis au regret de vous dire que le véritable sujet du verbe « avoir » est « Le caractère » et non pas « mes perspectives » et que, par conséquent la forme verbale correcte est « m’avait » et non pas « m’avaient ».
Cordialement vôtre.
Jean-Pierre Millepied.
Honte sur moi (et sur mes relecteurs) et merci de la remarque.