Ce que savait Bonnot…
1302/03/2015 par Thomas Fiera
Je m’appelle Ramizagrammrrrmyou ce qui, dans votre langue dégénérée, signifie « celui qui court plus silencieusement qu’une ombre ». Tel est mon nom. Mon vrai nom. Celui que m’a donné ma mère en me ronronnant dans l’oreille et en me léchant consciencieusement, tendrement.
Ramizagrammrrrmyou.
Celui qui court plus silencieusement qu’une ombre.
Et non pas Bonnot, comme cette espèce de grand con s’obstine à m’appeler.
Bonnot ! Misère ! Faut-il être stupide pour affubler un chat du nom d’un anarchiste ? Pourquoi pas Ravachol ou Bakounine ? Les chats sont les êtres les plus fondamentalement réactionnaires et conservateurs de la Terre. Nous aimons le pouvoir, la stabilité et le confort bourgeois et si nous refusons la laisse et les ordres, ce n’est pas du fait d’un goût immodéré pour la Liberté et l’Indépendance, mais simplement parce que nous nous savons supérieurs à ces ridicules bipèdes qui abusent honteusement de leur capacité à manipuler un ouvre boîte.
Moi je l’aime bien mon grand con. Il ne cherche pas à me tripoter tout le temps et il me parle comme à un être doué de conscience. Par rapport aux standards des grands cons, cela fait de lui un personnage bizarre mais de mon point de vue, ce sont les grands cons qui sont bizarres.
J’ai cru comprendre que mon grand con s’appelait Thomas ce qui est un nom idiot, hideux et qui ne veut rien dire. Moi je l’appelle Frrrmmmgraou, ce qui signifie « celui qui pleure quand personne ne le regarde ». J’essaye de le dresser à comprendre son nom, mais je dois dire que jusqu’ici mes tentatives sont restées infructueuses. Les grands cons ne semblent pas avoir l’esprit très vif et en tout cas sont assez nuls en matière de communication et de linguistique.
A vrai dire ils semblent assez nuls pour à peu près tout.
Frrrmmmgraou possède néanmoins quelques compétences utiles : il sait ouvrir les boîtes de croquettes, me caresse divinement sous le menton et manifeste un talent certain pour attirer les grandes connes, qui constituent la gente femelle de leur espèce. Elles ne sont pas beaucoup plus malines que leurs mâles mais elles sont en général plus douces, parlent moins fort et s’y entendent pour nous câliner sans nous malaxer.
Le plus gros défaut de Frrrmmmgraou est qu’il exerce une activité qui implique un passage incessant de visiteurs, tous plus stupides les uns que les autres. D’après ce que j’ai cru comprendre, ces gens viennent demander à Thomas (quel nom ridicule et qui m’écorche la langue) de retrouver des choses ou des gens et quand il y parvient, ils lui donnent de quoi m’acheter à manger.
Ce va et vient est très pénible mais c’est le prix à payer pour mes délicieuses croquettes alors…
Ce qui est très curieux, c’est qu’ils fassent appel à Frrrmmmgraou pour retrouver des choses ou des gens alors qu’il est à peine capable de se trouver lui-même. En plus, il est quasiment aveugle. Il vit entouré de fantômes et il ne les voit même pas. Il y a notamment une très jolie grande conne qui est toujours à ses côtés. Je ne sais pas pourquoi, mais elle m’émeut. C’est quelque chose dans sa façon de le regarder, de l’effleurer de sa main diaphane. On croirait voir une maman chat…
Mais tous ces fantômes ne sont pas aussi doux ou aussi tendres. La plupart sont même assez désagréables, moches et tristes. Ils se lamentent, marmonnent, le tire par la manche pour attirer son attention, mais rien n’y fait. Il ne les entend pas. Ne les voit pas.
Quoique…
Parfois je le vois réagir. C’est imperceptible mais je m’en rends compte. Alors peut-être capte-t-il quelque chose au fond. Cela expliquerait qu’il soit si triste, si sombre, si perméable à la souffrance et aux malheurs des autres.
Dans ces moments-là, il colle son front contre la vitre d’une fenêtre et peut passer des heures à regarder la rue en contrebas et je sens toutes les mauvaises pensées qui traversent son esprit. Des pensées que je n’aime pas du tout. Des pensées pleines de lames acérées, d’angles aigus, de ferrailles rouillées au goût de sang. Des pensées qui font mal.
C’est quand il est comme ça que je dois admettre que je l’aime beaucoup plus que ce que mes propos pourraient laisser croire. Je me fais du souci pour lui. Alors je viens me frotter contre ses jambes et au bout d’un moment il me prend dans ses bras, me caresse divinement le menton et me parle tout doucement. J’ai fini par comprendre qu’en réalité il s’adressait à la jolie fantôme qui l’accompagne. Il dit que je lui manque, que je lui manque terriblement, qu’il n’en peut plus de vivre sans moi. Et des larmes salées coulent sur ses joues, des larmes que je lappe tout tendrement du bout de la langue.
C’est mon ami Frrrmmmgraou.
Celui qui pleure quand personne ne le regarde.
Et je l’aime.
Mais si vous le répétez, je vous arrache les yeux.
FIN
Bin mince alors ! Ça s’appelle du talent, ça, indubitablement…
Je ne viens pas vous lire depuis longtemps, mais j’y prends un grand plaisir. Auriez-vous pas hasard publié quelque chose ?
Bonne soirée en tout cas, et merci pour ces pensées de chat, très inspirées.
Merci beaucoup. Vraiment. Pour repondre à votre question, j’ai effectivement publié des polars que vous trouverez decrits dans la rubrique : mes polars. Encore merci pour ces aimables paroles.
j’adore ce texte.
Merci.
Moi aussi j’ai une certaine tendresse pour ce petit texte.
J’aime beaucoup.
Merci. Je transmettrai à Bonnot. 😉
Quand chavapas , tu chavatherapy toi …?!!! Et chavamieux aprés chat …?!!!
Chat c’est sûr !
J’ai adoré ce texte! Merci
Merci à vous.
Mouâ ze pleure … c’est malin hein !!!
Ze pleure pour Frrrmmmgraou .. z’aurait envie de venir lui offrir un mulot à lui et à Ramizagrammrrrmyou pour le consoler …
snrrrrffff ! snnnrrrf !
Bah… les chats ont 7 vies et retombent toujours sur leurs pattes… 😉