Le Talon de fer
219/01/2016 par Thomas Fiera
Imaginez une petite république bananière, un de ces petits pays affligés de dirigeants cyniques et vaguement grotesques dont la cruauté n’a d’égale que le ridicule.
On y enfermerait les syndicalistes et les pauvres en colère, mais les maires bouffis d’arrogance et de corruption s’y pavaneraient en fumant le cigare et en insultant la presse et les magistrats.
Les chômeurs y auraient à s’excuser d’être des parasites et des privilégiés tandis que les patrons, sans cesse plus riches, n’auraient de cesse d’écraser leurs pauvres nuques de leur foutu talon de fer.
Les forces de l’ordre y chargeraient avec brutalité de jeunes idéalistes, mais des ministres pourraient y détourner des millions d’euros sans passer ne fut-ce qu’un jour en prison.
On y modifierait la constitution sans consulter le peuple et on y sabrerait les budgets de l’éducation et de la recherche pour mieux abonder ceux de la police et de l’armée.
Quel affreux petit pays n’est-il pas ? Quelle terrible parodie de démocratie ! Quel terrible déni de justice !
Et où se trouve cette horrible république d’opérette ? En Amérique centrale ? En Afrique ?
Vite ! Faisons une pétition ! Alarmons-nous ! Boycottons ce pays !
Nous ne pouvons rester les bras croisés devant tant d’indignité !
Voilà ce que nous pourrions dire, en somme, si chaque matin, nous ne nous levions pas dans ce foutu petit pays pour charger sur notre dos de victime consentante une charge, chaque fois plus lourde, de non-dit, de renoncement et de fatalisme.
Jusqu’à quand accepterons-nous, sur notre nuque, le poids du Talon de fer ?
Et toc ?
Et toc !
(Ce modeste article est dédié à l’immense Jack London. Il nous manque…)
Merci pour ce post qui me suggère un roman que j’avais pour l’instant ignoré
Un grand livre, qui a certes un peu vieilli, mais n’a rien perdu de sa fièvre révolutionnaire.